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Jimmy Maillard, une trajectoire de prolo

« Je suis plus proche des Groseille que des Le Quesnoy. » Seth Gueko (Fric et flic sales)

Le football professionnel au final c’est quand même une grande majorité de joueurs de l’ombre, de besogneux quasiment inconnus du grand public. Parmi ceux-là, il y en a que l’histoire officielle ne retiendra jamais, et dont il ne reste parfois qu’une vieille vignette Panini.

Jimmy Maillard, modeste joueur de D2 dans les années 90 sous les couleurs de l’AS Nancy-Lorraine, rentre dans cette catégorie. Jimmy lui a été oublié par le monde du football, du fait de quelques couacs dont une sombre histoire de braquage. S’en sont suivis quelques mois de zonzon avant un retour les terrains amateurs. A 26 ans, Jimmy Maillard voyait déjà les portes du monde professionnel se refermer et en perdait jusqu’à son gagne-pain.

Les joueurs de la trempe de Jimmy ne font pas rêver, c’est sûr. Leur trajectoire rappelle néanmoins à la réalité, c’est ça qui nous intéresse et nous en rapproche.

Avant le fait divers qui mettra un terme à sa carrière, Jimmy Maillard avait déjà pas mal galéré. Mais le bonhomme n’est pas du genre à baisser les bras devant l’adversité. Il kiffe le foot, et est suffisamment doué pour en faire son métier. Jeune, il intègre le centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine. Le chemin pour devenir pro n’est pas évident, il s’accroche. Mais le club de Nancy décide de ne pas le conserver. Comme des dizaines de jeunes de son âge il va garnir les effectifs amateurs de sa région lorraine, quitte à rejoindre le professionnalisme par la fenêtre. C’est le cap que le club d’ Épinal en Nationale 1, 3ème division de l’époque, lui permettra de franchir. S’affirmant vite comme un joueur sérieux, l’ASNL le récupère finalement trois saisons plus tard. Il retrouve son club, dans ce qui s’appelait à l’époque la D2 et qui était alors une antichambre rugueuse. Mais qu’à cela ne tienne, il fait enfin du foot son métier. Lors de la saison 95/96, Jimmy Maillard prend une part active à la montée du club dans l’élite. Il pourra alors goûter au plus haut niveau(1).

Comme beaucoup de footeux, Jimmy Maillard ne débarque pas du confort de la bourgeoisie. Une famille modeste, des cousins forains et les quartiers populaires de Tomblaine, banlieue ouvrière à l’est de Nancy, où il grandit à deux pas du Stade Marcel-Picot: voici en quelques traits le décor de son enfance. Dans cette Lorraine au cœur d’acier, frappée par la crise de la sidérurgie qui a sinistré une partie de la région depuis les années 80. D’aucuns pourront y voir un profil à la Tony Vairelles, en plus raté. Devant Jimmy plus d’obstacles se sont dressés, il a peut-être eu moins de qualités footballistiques à y opposer; les aléas et les fréquentations se sont chargées du reste.

En D1, il fait partie de l’effectif mais joue très peu. Le palier semble rude à franchir et de l’avis de ses dirigeants il a plus été conservé dans l’effectif pour « services rendus » que pour son talent de footballeur. Y a mieux pour mettre en confiance… Pour ne pas l’aider à se faire une place, en septembre 96, pas de bol il est contrôlé positif au cannabis, après un match où il est resté les 90 minutes sur le banc des remplaçants. C’est un premier coup dur. Il est suspendu pour deux mois par la commission anti-dopage de la Fédération Française de Football. Même tarif que Franck Fontan, Stéphane Paille ou Fabien Barthez en 1995. Mais aussi Sacha Rytchkov, Oumar Dieng, Gilles Hampartzoumian et Bernard Lama. Bref, une pratique assez banale chez les footeux des années 90. Son nom est associé à ceux de quelques grands joueurs, comme Barthez ou Lama, c’est sûr mais son image n’en est pas moins écornée. Victime de la volonté de la fédération de donner une image exemplaire des footballeurs professionnels auxquels les jeunes s’identifient.

Comme fréquemment, le club aussi en rajoute une couche(2).  En ce qui concerne Jimmy Maillard, comme sanction le club, son employeur, lui réduit son salaire de moitié, passant de 15000 à 7500 Francs (environ 1150 euros par mois.) Il a aussi été contraint, en plus, de s’acquitter d’une sorte de travail d’intérêt général auprès des jeunes du centre de formation de l’ASNL. Les sanctions salariales pour des joueurs du calibre de Jimmy avaient un vrai impact. Dans les années 90, beaucoup de joueurs touchaient encore des salaires, qui tout en étant sûrement plus élevés que la moyenne, restaient « décents ».

"En effet le 2 décembre 1996, soit cinq jours avant le braquage de la bijouterie, Jimmy Maillard se rend avec d'autres coéquipiers en visite à la prison de Nancy, dans le cadre des activités sociales du club, il est reconnu par plusieurs détenus, des mais d'enfance." Texte et photo: Old School Panini

« En effet le 2 décembre 1996, soit cinq jours avant le braquage de la bijouterie, Jimmy Maillard se rend avec d’autres coéquipiers en visite à la prison de Nancy, dans le cadre des activités sociales du club, il est reconnu par plusieurs détenus, des amis d’enfance. » Texte et photo: Old School Panini

Aujourd’hui comme dans les années 90 les spécialistes se délectent des icônes qui pimentent l’actualité du football. « L’enfant terrible » ou le « bad boy » trouvent une place de choix dans les commentaires. Des joueurs comme Cantona ou Gascoigne ont pu défrayer la chronique, il faisaient partie du gratin, c’était des « artistes ». C’est aussi en opposition à ces rebelles officiels de l’histoire du foot que nous voulons reparler de joueurs moins médiatiques, de types comme Jimmy qui faisaient leur taf relativement loin de l’exposition médiatique.

En décembre 97, une bijouterie est braquée dans un petit bled des Vosges, à 100 bornes de Nancy. L’enquête mène les flics jusqu’à chez Jimmy Maillard où ils retrouveront une arme, de la drogue et une partie du butin. Autant dire que Jimmy était bon pour aller un temps en prison. Mis en examen et en détention provisoire en février 97, il ne sortira que 3 mois plus tard de l’ancienne prison Charles III de Nancy(3), les charges retenues contre lui ayant sérieusement diminué.

Jimmy retrouvera définitivement le football amateur. Sa carrière se poursuivra dans des clubs mineurs de l’est de la France comme Saint-Dizier, Raon-l’Etape ou Mulhouse.

Ces 3 mois de prison ont achevé de le chasser du monde pro, où l’image exemplaire soit disant promue est aussi un gage de retombées économiques. Il ne fait pas bon être un ex-taulard, et ça se complique encore plus quand on n’est qu’un joueur moyen. Pour Jimmy la carrière pro s’arrête à 26 ans. Et on a tendance à penser, encore aujourd’hui, qu’on ne lui a pas fait de cadeau.

Notes:

(1) – Il fera en tout et pour tout trois apparitions en championnat de 1ere Division.

(2) – Pour utiliser un exemple marquant, avoir été contrôlé positif au cannabis a valu à Ibrahim Tanko d’être viré du Borussia Dortmund en 2001.

(3) – Jimmy Maillard n’est pas un cas unique de footballeur emprisonné. Parmi ces quelques-uns, Soufiane Koné, un autre ex-joueur de l’ASNL, a lui été condamné à 5 ans ferme en 2010, pour traffic de stup’ et association de malfaiteurs.