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« Les joueurs de gauche sont mis au ban. » Interview de Cristiano Lucarelli

Dans un football italien rongé par l’argent roi, Cristiano Lucarelli, attaquant engagé et politisé de Livourne affiche haut et fort ses opinions. Né à Livourne, le 4 octobre 1975, Cristiano Lucarelli s’est rendu célèbre en 2003 pour avoir quitté le Torino en première division afin de rejoindre Livourne en deuxième division, mais surtout pour avoir refusé un milliard de lires pour revenir à Turin une fois Livourne de retour en série A. Un choix judicieux qui lui permet de terminer meilleur buteur du championnat italien avec 24 réalisations. Après un an d’absence, Lucarelli a fait son retour dans le club de son cœur l’été dernier. Dans un football miné par l’argent roi, la corruption, s’éloignant de la tradition populaire avec la place prépondérante des investisseurs privés, entretien avec un joueur qui n’hésite pas à aller à contre-courant.

lucarelli interview

Vous avez toujours voulu jouer à Livourne, que signifie porter le maillot de ce club pour vous ?

Cristiano Lucarelli. Livourne, c’est mon rêve. Mon premier match dans un stade, je l’ai vécu dans le virage nord du stade de Livourne. J’avais un an et demi ! Enfant, je rêvais de jouer pour ce club. En grandissant, j’ai conservé cette passion alors que mes amis étaient fans de l’AC Milan, l’Inter, la Juventus. J’aurais fait la même chose si l’équipe avait été en troisième division. Contribuer à son retour en première division a rendu la chose encore plus belle.

Est-ce l’image de ce club populaire, fidèle à ses valeurs ouvrières, qui vous a attirée?

C.L: Ce sont avant tout les idéaux de cette ville, des idéaux de gauche (le Parti communiste italien fut fondé à Livourne en 1921 – NDLR). Il y a ensuite la façon dont les gens vivent en fonction de l’équipe. Ils l’aiment. Les joueurs qui y viennent se lient à cette ambiance, à la ville. D’où cette unité entre l’équipe, les supporters. Ce sentiment d’appartenance va bien au-delà du football.

Comment jugez-vous le public italien ?

C.L: En Italie, je suis assez pessimiste, car 90 % des groupes de supporters tendent désormais vers la droite, avec parfois des dérapages, car ils disposent souvent d’armes blanches. À Livourne, les ultras maintiennent une identité de gauche. J’espère que, comme ceux de Terni ou d’autres villes, ils réussiront à maintenir ce credo politique.

L’axe politique en Italie se déplace de plus en plus à droite, comment revenir aux valeurs qui ont été la base de la République italienne  ?

C.L: Contrairement à des grandes villes comme Rome ou Milan, il est difficile pour Livourne qui ne compte que 160 000 habitants, de diffuser ses opinions, sa manière de voir le monde, c’est pourtant ce que je tente de faire dans ce contexte aux dimensions réduites. En plus, la majorité des médias est aux mains de Berlusconi. Tous ceux qui essayent de faire changer les choses sont vite muselés.

Est-ce la raison qui vous a poussé à fonder un journal Il Corriere di Livorno en 2007  ?

C.L: Il n’y avait qu’un journal à Livourne, ce qui selon moi était quelque chose de négatif, alors qu’en Italie des villes plus petites en ont trois, parfois quatre. La pluralité de l’information est fondamentale. L’idée était de rassembler des personnes au chômage et de lancer ce quotidien, qui malheureusement connaît des difficultés. Grâce à ce journal, vingt chômeurs ont retrouvé du travail et j’espère que ce projet va se poursuivre.

Votre père travaille au port de Livourne, est-ce lui qui vous a transmis ces idées de gauche  ?

C.L: J’ai grandi dans une famille de gauche, il n’a pas été difficile de perpétuer cet idéal et, j’espère, non, je suis convaincu de pouvoir les transmettre à mes fils, car ces valeurs sont très importantes pour moi.

Pourquoi le monde du football refuse de s’impliquer dans des thématique sociales  ?

C.L: Quand la majorité tend vers la droite, il est difficile de s’afficher comme quelqu’un de gauche. Qui le fait, comme moi, en paie les conséquences. Dans ma carrière, entre les matchs en deuxième et première division et ceux en Coupes d’Europe, j’ai inscrit 240 buts. D’autres, qui en ont marqué moins mais qui ne se sont pas engagés, ont eu une carrière plus prestigieuse que la mienne. Aujourd’hui, s’engager politiquement en Italie signifie quasiment compromettre sa carrière. Ça demande d’avoir de solides motivations, de suivre un véritable idéal, quitte à aller à contre-courant. Le contexte oblige le joueur à dire  : « Je ne m’intéresse pas à la politique. » Mais il y a de nombreux joueurs de gauche. Nombreux sont ceux qui viennent me saluer avant un match pour me dire qu’ils partagent mes opinions, mais qu’ils ne peuvent les afficher car ils évoluent dans des clubs avec des ultras de droite, ou parce qu’ils craignent pour leur carrière.

Vos idées vous ont-elles coûté votre place en équipe nationale (5 sélections – NDLR) ?

C.L: Je suis convaincu que j’ai récolté moins que ce que je méritais.

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Paru dans L’Humanité du 4 janvier 2010, encore consultable sur le site de l’humanité.fr, cet entretien a été réalisé par Sébastien Louis, spécialiste du monde du foot italien, particulièrement des mouvements ultras. En plus de nombreux articles, Sébastien Louis est l’auteur du bouquin Le Phénomène ultras en Italie (Ed. Mare et Martin, 2006).

Tête de mêlée: les éditions Acratie ressortent un introuvable

Bernier couverture Tde mêléeSorti une première fois il y a 90 ans aux éditions Rieder, maison sympathisante de gauche, Tête de mêlée n’avait plus été réédité jusqu’à ce que les éditions Acratie aient la bonne idée de le sortir de l’oubli (Mai 2014).

Quand il est publié en 1924, Jean Bernier a 30 ans et est actif dans les milieux révolutionnaires communistes. Sa jeune existence est déjà sévèrement marquée par la boucherie de 14-18, à laquelle il a participé. Expérience relatée dans le roman autobiographique, La Percée (1920), réédité en 2000 par les éditions Agone. Son engagement politique sera dès lors, et pour longtemps, imprégné de pacifisme et d’internationalisme. Après guerre, il collabore à plusieurs journaux dont Le Crapouillot ou encore Clarté, un journal communiste, et il va progressivement se rapprocher des surréalistes. Camarade de Boris Souvarine et de Georges Bataille, il se situe dans ce courant d’écrivains oppositionnels de gauche au stalinisme(1). Dans le même temps journaliste à L’Humanité, il s’occupe dès 1926 de la rubrique « Sport ».

Le sport, un jeu global, qu’on retrouve magnifié dans Tête de mêlée – roman dont on se demande à la lecture s’il n’est pas autobiographique, tant les sentiments exprimés par le personnage principal, le jeune Justin Gelinot, semblent bruts.

Tout petit, martyrisé par une gouvernante sous pression, exclu des gestes d’amour d’une mère qui néglige cette besogne, et d’un père qui souhaite que ses enfants grandissent sans le déranger dans ses affaires… Voilà ce qui peut être une ébauche de portrait d’une famille issue d’un milieu bourgeois « étriqué, bigot et imbu de sa classe sociale » comme l’éditeur l’écrit dans son avant-propos. Et le sport dans tout ça? C’est justement le biais par lequel le jeune Justin va s’extirper du joug de son milieu, la porte par laquelle il va entrevoir la liberté, ou du moins par où passera son émancipation. Lui l’enfant à qui sa mère interdisait de jouer avec d’autres mômes de son âge au prétexte hygiéniste qu’on y attrape des microbes, va découvrir le jeu comme un moment de transgression.

« Le plus souvent, le jeu était pour lui, non ce bonheur de vibrion ou des ébats de jeune chat alléché par tout ce qui remue ou luit, mais une revanche. Il s’y ruait. Refoulé durant des heures et des heures, l’excédent de sa vie partait soudain en courses virulentes, en geste d’agression. »

Ça commence tout petit, au parc, avec ce fameux cerceau dirigé par une baguette qui, si on les écoute, suffisait au bonheur de nos grands-parents, voire arrière, quand ils étaient enfants. Dans ce parc, avec son cerceau, Justin dépense sans compter son énergie dans des courses frénétiques où il s’imagine en compétition avec les autres enfants jouant au même jeu. Là, il goutte à la sensation de l’effort physique, emmène son corps dans ces endroits interdits par sa mère qui ne veut pas le voir transpirer. Plus tard, les parties endiablées de jeu de barres(2) présageront chez lui le classique « esprit d’équipe » indispensable aux sports collectifs.

Même si le bouquin fait la part belle au rugby comme le titre en atteste, avant ce magnifique récit sur fond du match France-Pays de Galles de 1911, le jeune Justin découvre dans la cour de son collège, l’athlétisme. Il couple cette découverte du plaisir de retranscrire les exploits de sa bande de copains, dans une feuille de choux parfaitement artisanale Le Sportif de Gambetta. Le sport qui scellera son émancipation est bel et bien le rugby. Le jeune Justin après l’avoir découvert comme spectateur au Parc des Princes, et s’être familiarisé avec ses lois et son jargon, s’y collera en tant que joueur, dans un club, le Lutèce Université Club (LUC) qui a tous les traits de son alter-ego du PUC (3). Au même moment le football, fraîchement débarqué d’Angleterre trouve de plus en plus d’adeptes lui aussi. Les yeux de bourgeoise tétanisée de la mère de Justin, ne comprennent rien à ce qui leur apparaissent comme un dangereux défouloir pour populo. Le football n’est-il pas traité par la bouche de la mère Gélinot de « sport de brutes et de voyous »? Il n’en aurait pas fallu tant pour donner envie d’y goûter…

La jeunesse passe finalement vite et l’innocence ne disparaît pas qu’avec les premiers émois sexuels quand on se rapproche du déclenchement de la première Guerre Mondiale. Nous ne pouvons rendre complètement compte de cet ouvrage sans reprendre la conclusion de la quatrième de couverture:

« Mais chez Bernier, pacifiste et internationaliste, la Grande Guerre n’est jamais très loin. Les espérances de « ces jeunes hommes au corps habile et fort, à l’âme prompte » avant 1914, sombreront dans la guerre quelques semaines plus tard sous « les tonnerres monotones de la chimie industrielle » dit-il en conclusion de son ouvrage. »

Notes:

(1)- Jean Bernier collabore entre autre avec le collectif Contre-attaque, l’Union de lutte des Intellectuels révolutionnaires, lancée par Georges Bataille et André Breton  en octobre 1935, et qui se veut une alternative gauchiste à l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR), un des nombreux satellites du PCF. L’expérience ne dépassa pas 6 mois et jamais le collectif ne pu peser autant que son adversaire stalinien. Outre Breton et Bataille qui en sont les principaux animateurs, on retrouve dans Contre-attaque Boris Souvarine, Michel Leiris, Raymond Queneau, Paul Eluard ou encore Benjamin Péret pour les plus connus.

(2)- Jeu très ancien qui remonterait au XIIIème siècle et qui a probablement connu de multiples variantes. Il serait notamment évoqué dans L’enfance de Jules Vallès. Il se joue en équipe sur un terrain rectangulaire et le but est d’attraper les membres de l’équipe adverse et d’en faire des prisonniers. Ceux-là peuvent toujours parvenir à se libérer en tapant dans la main d’un partenaire encore en course. Une description qui en fait l’ancêtre de beaucoup de jeux dont la balle aux prisonniers qui, si elle en est une évolution « moderne » avec la médiation d’une balle et la possibilité de capturer l’adversaire à distance, elle reste moins « tactique » que les barres. Une présentation simplifiée des règles complètes des barres est disponible à cette adresse: http://ww3.ac-poitiers.fr/eps/apsa/prespco/qqjeux.htm#barres

(3)- Le Paris Université Club qui existe depuis 1906 et qui a vu passé par sa section rugby ces trente dernières années de nombreux joueurs et entraîneurs renommés comme Daniel Herrero, Vincent Moscato, Dimitri Yaschvili ou plus récemment Wesley Fofana.

Jimmy Maillard, une trajectoire de prolo

« Je suis plus proche des Groseille que des Le Quesnoy. » Seth Gueko (Fric et flic sales)

Le football professionnel au final c’est quand même une grande majorité de joueurs de l’ombre, de besogneux quasiment inconnus du grand public. Parmi ceux-là, il y en a que l’histoire officielle ne retiendra jamais, et dont il ne reste parfois qu’une vieille vignette Panini.

Jimmy Maillard, modeste joueur de D2 dans les années 90 sous les couleurs de l’AS Nancy-Lorraine, rentre dans cette catégorie. Jimmy lui a été oublié par le monde du football, du fait de quelques couacs dont une sombre histoire de braquage. S’en sont suivis quelques mois de zonzon avant un retour les terrains amateurs. A 26 ans, Jimmy Maillard voyait déjà les portes du monde professionnel se refermer et en perdait jusqu’à son gagne-pain.

Les joueurs de la trempe de Jimmy ne font pas rêver, c’est sûr. Leur trajectoire rappelle néanmoins à la réalité, c’est ça qui nous intéresse et nous en rapproche.

Avant le fait divers qui mettra un terme à sa carrière, Jimmy Maillard avait déjà pas mal galéré. Mais le bonhomme n’est pas du genre à baisser les bras devant l’adversité. Il kiffe le foot, et est suffisamment doué pour en faire son métier. Jeune, il intègre le centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine. Le chemin pour devenir pro n’est pas évident, il s’accroche. Mais le club de Nancy décide de ne pas le conserver. Comme des dizaines de jeunes de son âge il va garnir les effectifs amateurs de sa région lorraine, quitte à rejoindre le professionnalisme par la fenêtre. C’est le cap que le club d’ Épinal en Nationale 1, 3ème division de l’époque, lui permettra de franchir. S’affirmant vite comme un joueur sérieux, l’ASNL le récupère finalement trois saisons plus tard. Il retrouve son club, dans ce qui s’appelait à l’époque la D2 et qui était alors une antichambre rugueuse. Mais qu’à cela ne tienne, il fait enfin du foot son métier. Lors de la saison 95/96, Jimmy Maillard prend une part active à la montée du club dans l’élite. Il pourra alors goûter au plus haut niveau(1).

Comme beaucoup de footeux, Jimmy Maillard ne débarque pas du confort de la bourgeoisie. Une famille modeste, des cousins forains et les quartiers populaires de Tomblaine, banlieue ouvrière à l’est de Nancy, où il grandit à deux pas du Stade Marcel-Picot: voici en quelques traits le décor de son enfance. Dans cette Lorraine au cœur d’acier, frappée par la crise de la sidérurgie qui a sinistré une partie de la région depuis les années 80. D’aucuns pourront y voir un profil à la Tony Vairelles, en plus raté. Devant Jimmy plus d’obstacles se sont dressés, il a peut-être eu moins de qualités footballistiques à y opposer; les aléas et les fréquentations se sont chargées du reste.

En D1, il fait partie de l’effectif mais joue très peu. Le palier semble rude à franchir et de l’avis de ses dirigeants il a plus été conservé dans l’effectif pour « services rendus » que pour son talent de footballeur. Y a mieux pour mettre en confiance… Pour ne pas l’aider à se faire une place, en septembre 96, pas de bol il est contrôlé positif au cannabis, après un match où il est resté les 90 minutes sur le banc des remplaçants. C’est un premier coup dur. Il est suspendu pour deux mois par la commission anti-dopage de la Fédération Française de Football. Même tarif que Franck Fontan, Stéphane Paille ou Fabien Barthez en 1995. Mais aussi Sacha Rytchkov, Oumar Dieng, Gilles Hampartzoumian et Bernard Lama. Bref, une pratique assez banale chez les footeux des années 90. Son nom est associé à ceux de quelques grands joueurs, comme Barthez ou Lama, c’est sûr mais son image n’en est pas moins écornée. Victime de la volonté de la fédération de donner une image exemplaire des footballeurs professionnels auxquels les jeunes s’identifient.

Comme fréquemment, le club aussi en rajoute une couche(2).  En ce qui concerne Jimmy Maillard, comme sanction le club, son employeur, lui réduit son salaire de moitié, passant de 15000 à 7500 Francs (environ 1150 euros par mois.) Il a aussi été contraint, en plus, de s’acquitter d’une sorte de travail d’intérêt général auprès des jeunes du centre de formation de l’ASNL. Les sanctions salariales pour des joueurs du calibre de Jimmy avaient un vrai impact. Dans les années 90, beaucoup de joueurs touchaient encore des salaires, qui tout en étant sûrement plus élevés que la moyenne, restaient « décents ».

"En effet le 2 décembre 1996, soit cinq jours avant le braquage de la bijouterie, Jimmy Maillard se rend avec d'autres coéquipiers en visite à la prison de Nancy, dans le cadre des activités sociales du club, il est reconnu par plusieurs détenus, des mais d'enfance." Texte et photo: Old School Panini

« En effet le 2 décembre 1996, soit cinq jours avant le braquage de la bijouterie, Jimmy Maillard se rend avec d’autres coéquipiers en visite à la prison de Nancy, dans le cadre des activités sociales du club, il est reconnu par plusieurs détenus, des amis d’enfance. » Texte et photo: Old School Panini

Aujourd’hui comme dans les années 90 les spécialistes se délectent des icônes qui pimentent l’actualité du football. « L’enfant terrible » ou le « bad boy » trouvent une place de choix dans les commentaires. Des joueurs comme Cantona ou Gascoigne ont pu défrayer la chronique, il faisaient partie du gratin, c’était des « artistes ». C’est aussi en opposition à ces rebelles officiels de l’histoire du foot que nous voulons reparler de joueurs moins médiatiques, de types comme Jimmy qui faisaient leur taf relativement loin de l’exposition médiatique.

En décembre 97, une bijouterie est braquée dans un petit bled des Vosges, à 100 bornes de Nancy. L’enquête mène les flics jusqu’à chez Jimmy Maillard où ils retrouveront une arme, de la drogue et une partie du butin. Autant dire que Jimmy était bon pour aller un temps en prison. Mis en examen et en détention provisoire en février 97, il ne sortira que 3 mois plus tard de l’ancienne prison Charles III de Nancy(3), les charges retenues contre lui ayant sérieusement diminué.

Jimmy retrouvera définitivement le football amateur. Sa carrière se poursuivra dans des clubs mineurs de l’est de la France comme Saint-Dizier, Raon-l’Etape ou Mulhouse.

Ces 3 mois de prison ont achevé de le chasser du monde pro, où l’image exemplaire soit disant promue est aussi un gage de retombées économiques. Il ne fait pas bon être un ex-taulard, et ça se complique encore plus quand on n’est qu’un joueur moyen. Pour Jimmy la carrière pro s’arrête à 26 ans. Et on a tendance à penser, encore aujourd’hui, qu’on ne lui a pas fait de cadeau.

Notes:

(1) – Il fera en tout et pour tout trois apparitions en championnat de 1ere Division.

(2) – Pour utiliser un exemple marquant, avoir été contrôlé positif au cannabis a valu à Ibrahim Tanko d’être viré du Borussia Dortmund en 2001.

(3) – Jimmy Maillard n’est pas un cas unique de footballeur emprisonné. Parmi ces quelques-uns, Soufiane Koné, un autre ex-joueur de l’ASNL, a lui été condamné à 5 ans ferme en 2010, pour traffic de stup’ et association de malfaiteurs.

 

Emeutes de Ferguson: la lecture de classe de Kareem Abdul-Jabbar

Repris sur le site LaRumeurMag – 21 août 2014

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KAREEM ABDUL JABBAR SUR LES REVOLTES DE FERGUSON

Kareem Abdul-Jabbar, pivot légendaire de la NBA, détenant le record du nombre de points marqués, continue à scorer loin des parquets, en prenant sa plume à propos des révoltes de Ferguson. Sur le papier comme sur le terrain, il bloque l’argumentation adverse, et enroule son bras pour marquer le point.  Le maître incontesté du Sky hook (bras-roulé) reste fidèle à l’esprit qui le lia à Mohamed Ali ou à Bruce Lee, il continue à prôner l’union des marges, ceux que l’on nomme désormais les 99%. Dans cet article écrit pour le journal Time, il évoque en quoi une lecture uniquement raciale des révoltes de Ferguson est un piège que l’élite nous tend, comme ce fut déjà le cas en Mai 1970. Voici la traduction de l’article.

Marc Ball

Alors que les étudiants américains continuent de se mobiliser contre les interventions impérialistes des Etats-Unis au Viet-Nam, mais aussi au Cambodge, la Garde nationale débarque sur le campus de la Kent State University.  Elle y tuera quatre manifestants qui manifestaient et en blessera neuf autres.

Alors que les étudiants américains continuent de se mobiliser contre les interventions impérialistes des Etats-Unis au Viet-Nam, mais aussi au Cambodge, la Garde nationale débarque sur le campus de la Kent State University. Elle y tuera quatre étudiants qui manifestaient et en blessera neuf autres.

 

La prochaine guerre des races ne sera pas une guerre des races

Ferguson n’est pas juste une question de racisme systémique – c’est une question de lutte des classes et de comment l’Amérique pauvre est enchaînée.

Les révoltes de Ferguson dans le Missouri seront-elles un point critique de la lutte contre l’injustice raciale, ou seront-elles une note de bas de page dans la thèse d’un futur doctorant sur les troubles publics du début du XXIème siècle ?

La réponse peut être trouvée en Mai 1970.

Vous avez probablement entendu parler de la fusillade de Kent State : le 4 mai 1970, la Garde Nationale a ouvert le feu sur les étudiants manifestant à la Kent State University. Durant ces 13 secondes de coups de feu, quatre étudiants furent tués et neuf blessés, dont l’un paralysé à vie.  Le choc et la colère conduisirent à une grève nationale de 4 millions d’étudiants, fermant plus de 450 campus.  Cinq jours après la fusillade, 100 000 manifestant convergèrent à Washington D.C. Et la jeunesse américaine était fortement mobilisée contre la guerre du Vietnam, le racisme, le sexisme, et contre le soutien inconditionnel à l’establishment politique.

Vous n’avez probablement pas entendu parler de la fusillade de Jackson State.

Deux étudiants noirs furent abattus par la police à la Jackson State University. Les batiments en arrière plan portent de nombreux impacts de balle.

Deux étudiants noirs furent abattus par la police à la Jackson State University. Les batiments en arrière plan portent de nombreux impacts de balle.

Le 14 mai, 10 jours après que Kent State embrasa le pays, à la Jackson State University du Mississipi, université majoritairement noire, la police tua deux étudiants noirs ( l’un étudiant de terminale, l’autre père d’un enfant de 18 mois) au fusil, et blessant douze autres étudiants.

Il n’y a eu aucune protestation nationale. Le pays ne s’est pas mobilisé pour faire quoi que ce soit. Ce Léviathan sans cœur que l’on nomme Histoire a avalé entièrement cet évènement, l’effaçant de la mémoire nationale.

Et, à moins que l’on ne veuille que l’atrocité de Ferguson soit également engloutie et ne devienne pas plus qu’un irritant intestinal pour l’histoire, nous devons aborder la situation non comme un énième acte de racisme systémique, mais pour ce qu’elle est : une lutte des classes.

En se focalisant sur l’aspect racial, la discussion tourne à savoir si la mort de Michael Brown – et celle des trois autres noirs non-armés tués par la police durant ce mois –  est une question de discrimination ou de légitime défense policière.  Alors on débattra sur le fait qu’il n’y a pas autant de racisme des noirs contre les blancs qu’il n’y a de racisme des blancs contre les noirs.  (Si, il y en a autant. Mais en général le racisme des blancs envers les noirs a un impact économique sur le futur de la communauté noire. Le racisme des noirs contre les blancs n’a quasiment aucun impact mesurable.)

Alors on commencera à débattre si la police elle aussi ne serait pas une minorité en danger, également discriminée sur la base de leur couleur – le bleu.  (Oui, ils le sont. Mais il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte avant de condamner la police, notamment les pressions politiques, la formation inadéquate, et les législations obscures).  Ensuite on se demandera si les noirs sont plus souvent victimes de tirs parce qu’ils commettent plus souvent des crimes. ( En fait, des études montrent que les noirs sont visés dans certaines villes, comme New York. Il est difficile d’avoir une vision nationale plus globale car les études sont lamentablement inadéquates. L’étude du Département de Justice montre qu’aux Etats-Unis, entre 2003 et 2009, parmi les morts suite à une arrestation, il y a une très faible différence entre blancs, noirs et latinos. Cependant, l’étude ne nous dit pas combien d’entre eux n’étaient pas armés).

Ces poings brandis pour les revendications de chacun détournent l’attention de l’Amérique du problème plus large qui est le fait que les cibles des excès de la police sont basées moins sur la couleur de peau que sur une affliction bien pire, digne du virus Ebola : être pauvre.  Bien entendu, pour beaucoup aux Etats-Unis, être une personne de couleur est synonyme d’être pauvre, et être pauvre est synonyme d’être criminel. Ironiquement, cette idée reçue est vraie aussi chez les pauvres.

Et c’est ainsi que va le statu quo.

Ferguson - Des manifestants en hommage à Michael Brown, abattu par la police le 9 août dernier.

Ferguson – Des manifestants en hommage à Michael Brown, abattu par la police le 9 août dernier.

Le recensement Américain a montré que 50 millions d’Américains sont pauvres. 50 millions d’électeurs formeraient un bloc puissant s’ils venaient à s’organiser pour défendre leurs intérêts économiques communs. Il est alors crucial, pour les 1% plus riches, de conserver les pauvres divisés en les embrouillant par des questions sensibles comme l’immigration, l’avortement ou le contrôle des armes à feu, pour empêcher qu’ils se demandent pourquoi ils se font baiser depuis si longtemps.

Une manière de conserver ces 50 millions divisés est la désinformation. La dernière évaluation menée par Pundifact[1] sur les médias a conclu que chez Fox et Fox News Channel, 60% des affirmations sont fausses. Chez NBC et MSNBC, 46% des affirmations ont été considérées comme fausses. That’s the news, folks ![2]. Lors des révoltes de Ferguson, Fox News a présenté une photo en noir et blanc de Martin Luther King Jr avec une légende audacieuse : « Oubliant le message de MLK, les manifestants du Missouri recourent à la violence ». Ont-ils utilisé ce genre de légendes lorsque l’un ou l’autre des Présidents Bush a envahi l’Irak : « Oubliant le message de Jésus Christ, les Etats-Unis oublient de tendre la joue et tuent des milliers de gens » ?

Comment des téléspectateurs peuvent-ils faire des choix raisonnables dans une démocratie si leurs sources d’informations sont corrompues ? Ils ne peuvent pas, et c’est exactement de cette manière que les 1% contrôlent le destin des 99%.

Pire, certains politiques et entrepreneurs conspirent pour conserver les pauvres tels qu’ils sont. Dans son show comique sur l’actualité, sur la chaine de TV HBO, John Oliver a présenté le business du prêt sur jour de paye et ceux qui ainsi exploitent si brutalement le désespoir des pauvres. Comment une industrie qui extorque plus de 1900 % d’intérêt sur des prêts peut faire ça sans être inquiétée ? Au Texas, le sénateur Gary Elkins a empêché un décret de régulation, alors que lui-même possède une chaine de magasins qui pratiquent ce genre de prêts. Et le responsable politique qui harcelait Elkins sur son conflit d’intérêt, le sénateur Vicki Truitt, est devenu un lobbyiste pour ACE Cash Express à peine 17 jours après avoir quitté ses fonctions. En substance, Oliver a montré comment les pauvres sont appâtés par de tels prêts, afin qu’ils ne puissent les rembourser et soit obligés de contracter un nouveau prêt. Un cercle vicieux.

Les livres et films dystopiques tels que le Transperce-neige, le Passeur, Divergente, Hunger Games, et Elysium ont fait fureur au cours de ces dernières années. Pas seulement parce qu’ils expriment la frustration adolescente face aux figures incarnant l’autorité. Cela expliquerai leur popularité au sein des jeunes audiences, mais pas au sein de ceux qui ont la vingtaine ou même chez les plus vieux. La véritable raison qui fait qu’on afflue pour voir Donald Sutherland se faire tirer le portrait en président américain impitoyable dédié à préserver les privilèges des riches en broyant de son talon le cou des pauvres, c’est que cela sonne vrai dans une société où les 1% deviennent chaque fois plus riche alors que la classe moyenne s’effondre.

Et ce n’est pas une hyperbole ; les statistiques prouvent que ceci est réel. Selon une enquête du Pew Research Center[3], seulement la moitié des foyers américains ont des revenus moyens, une chute de 11% depuis les années 70 ; le revenu médian de la classe moyenne a baissé de 5% au cours des dix dernières années, et la santé globale a chuté de 28%. Moins de personnes (à peine 23%) estiment qu’ils auront assez d’argent pour prendre la retraite. Le plus accablant de tout : moins d’Américains que jamais auparavant croient dans le mantra du rêve américain, s’en sortir en travaillant dur.

Mais au lieu de s’unir contre le véritable adversaire – les politiques passifs, les législateurs et personnes au pouvoir – nous tombons dans le piège de se retourner les uns contre les autres, dépensant notre énergie à se battre contre nos alliés au lieu de nos ennemis. Et ce n’est pas qu’à propos de race et de partis politiques, c’est aussi une question de genre. Dans son livre Unspeakable Things: Sex, Lies and Revolution[4], Laurie Penny suggère que le déclin des opportunités de carrière pour les jeunes hommes les fait se sentir dévalués aux yeux des femmes ; et la conséquence de cela, c’est qu’ils projettent leur rage non pas sur ceux qui causent le problème mais sur ceux qui en subissent également les conséquences : les femmes.

Photo de manifestants lors des rassemblements nocturnes en hommage à Michael Brown. Les émeutes se sont répétées de nombreuses nuits d'affilée. Les affrontements avec les forces de l'ordre, qui ont massivement fait usage de gaz lacrymogènes, ont été intenses.

Photo de manifestants lors des rassemblements nocturnes en hommage à Michael Brown. Les émeutes se sont répétées de nombreuses nuits d’affilée. Les affrontements avec les forces de l’ordre, qui ont massivement fait usage de gaz lacrymogènes, ont été intenses.

Oui, je sais que c’est injuste de dépeindre les plus aisés en grossissant ainsi le trait. Il y a de nombreuses personnes ultra-riches qui sont également présentes pour leur communauté. Rendus humbles par leur propre succès, ils cherchent à aider les autres. Mais ce n’est pas le cas de la multitude de millionnaires et de milliardaires qui font pression pour réduire les bons alimentaires, pour ne pas alléger la dette de nos étudiants et pour empêcher toute extension du droit au chômage.

Avec chacune de ces fusillades/morts par asphyxie/légitimes défenses meurtrières, la police et le système judiciaire sont vus comme les exécutants d’un statut quo inique. Notre colère monte et les révoltes demandant justice s’en suivent. Les chaines d’actualité interview tout le monde et les pundits[5] désignent les coupables.

Et ensuite ?

Je ne dis pas que les manifestations de Ferguson ne sont pas justifiées – elles le sont. En réalité, nous avons besoin de plus de manifestations à travers le pays. Où est notre Kent State ? Que faut-il pour mobiliser 4 millions d’étudiants dans une manifestation pacifique ? Parce que c’est ce dont on aura besoin pour évoquer un véritable changement. La classe moyenne doit rejoindre les pauvres, et les blancs doivent rejoindre les Afro-Américains dans de grandes manifestations, pour déboulonner les politiques corrompus, pour boycotter le business de l’exploitation, pour passer des lois qui encourage les opportunités économiques pour tous, et pour punir ceux qui spéculent sur notre avenir financier.

Sinon, tout ce que nous allons avoir, c’est ce que nous avons eu de Ferguson ; une poignée de politiciens et de célébrités qui expriment leur sympathie et leur indignation. Si nous n’avons pas de projet politique précis – une liste de ce que nous voulons changer et comment – nous continuerons à nous rassembler encore et encore auprès des corps assassinés de nos enfants, parents et voisins.

J’espère que l’avenir donnera raison à John Steinbeck quand il écrit dans les Raisins de la colère : « La répression ne sert qu’à renforcer et souder les opprimés ». Mais je suis plus enclin à faire résonner le « Inner City Blues » de Marvin Gaye, écrit l’année après les fusillade de Kent State et Jackson State.

Inflation no chance / To increase finance / Bills pile up sky high / Sending that boy off to die / Make me wanna holler / The way they do my life / Make me wanna holler / The way they do my life

Inflation no chance / To increase finance / Bills pile up sky high / Sending that boy off to die / Make me wanna holler / The way they do my life / Make me wanna holler / The way they do my life

L’inflation, aucune chance / Pour accroître les finances / Les factures s’accumulent jusqu’au ciel / envoyant ce garçon mourir / Ça me donne envie d’hurler / La façon dont ils foutent en l’air ma vie / Ça me donne envie d’hurler / La façon dont ils foutent en l’air ma vie

Notes (probablement du traducteur):

[1]  PunditFact est un projet du Tampa Bay Times qui passe au crible les déclarations de blogueurs , experts, analystes et autres invités des plateaux TV et des journaux.

[2] « C’est ça les infos les amis ! ». Jeu de mots avec le célèbre « That’s all folks » de la Warner.

[3] Think Tank non partisan basé à Washington

[4] « Choses indicibles : Sexe, Mensonges et Révolution »

[5] Un Pundit est une personne, journaliste, blogueur, sans mandat officiel qui intervient dans les médias pour donnait son avis, ses analyses.

Le premier syndicat de joueurs

La création du syndicat des footballers professionnels anglais

Outcasts FC 1909

Le 2 décembre 1907, dans l’impressionnant Imperial Hotel du centre ville de Manchester, l’Association Football Players’ Union, équivalent français d’un syndicat des footballeurs professionnels prend forme. C’est l’aboutissement d’un projet qui avait échoué à deux reprises, en 1893 et en 1898 pour des raisons diverses, et notamment l’absence notoire de chefs charismatiques. Au même titre que les autres organisations, l’Association Football Players’ Union a pour objet de défendre les intérêts de ses membres, par exemple dans leurs confrontations avec les deux instances gouvernantes, Football Association et Football League.
Timidement soutenu par l’ensemble des dirigeants durant les premiers mois, le syndicat est perçu comme une menace potentielle. L’année 1909 cristallise cette tension. Aux yeux des instances dirigeantes, la proximité avec le puissant syndicat central, la General Federation of Trade Unions est source d’inquiétude. La volonté des représentants des joueurs de porter en justice certaines procédures jugées arbitraires (blocage de salaires, interdiction du droit de grève) est durement ressentie par les autorités. Soutenu par une opinion marquée par l’éthique de l’amateurisme, John Bentley, éditorialiste dans l’hebdomadaire londonien Football Chat et surtout Président de la Football League, et William Pickford, un membre influent de la Football Association, pressent les joueurs d’abandonner l’ardeur syndicale au risque de sanctions individuelles. Les directeurs des clubs prolongent et durcissent la voix des instances fédérales par des procédés de chantage, en particulier la rupture de contrat. Mais, c’est méconnaître le degré d’activisme des joueurs. Deux personnalités deviennent les figures emblématiques du mouvement de contestation. Il s’agit de Billy Meredith (1874-1958) et de Charlie Roberts (1883-1939), deux joueurs de Manchester United, la meilleure équipe du moment. Chacun, à sa façon, donne du crédit et surtout médiatise le mouvement.
L’attaquant gallois Billy Meredith préside le premier jour de création du syndicat. Nommé en mars 1904 joueur le plus populaire du championnat par l’hebdomadaire sportif, Umpire, il use de sa notoriété médiatique pour évoquer la dure réalité du joueur professionnel, face aux attitudes autocratiques des administrateurs des clubs. Il parle en connaissance de cause, car dans les comptes rendus de Manchester United, il est souvent l’objet de séries de sanctions soigneusement soulignées dans la rubrique misconduct (mauvaise conduite).
Charlie Roberts a l’idée géniale de sensibiliser la presse. Dans l’un des actuels terrains de sport des étudiants des universités de Manchester, il invite des journalistes pour leur faire part des motivations des footballeurs. Il pérennise le moment en demandant à un photographe de prendre les joueurs protestataires, et pose avec un écriteau figurant l’inscription The Outcast F.C, les rebelles. L’image est un succès pour les footballeurs, cependant la révolte perd de son intensité avec le retrait progressif de joueurs. La survie du salaire maximum (£4 par semaine) institué en 1901, et la décision de transférer le joueur appartiennent aux jugements des autorités gouvernantes et à la susceptibilité des entraîneurs.
La vague de reconnaissance du métier de footballeur arrive dans les années 1960, un siècle après la création de la Football Association en 1863.

Claude Boli

Auteur de Du local au global: l’invention de Manchester United (1902-2002), éditions Autrement

« Dix motifs pour lesquels nous protestons contre la Coupe »

Nous reproduisons ici un article publié sur Squat.net qui reprend un appel du Comité Populaire de la Coupe* et les dix motifs de son rejet de la Coupe du Monde 2014.

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Le 15 mai, le Comité Populaire de la Coupe organise une action contre la Coupe du monde à 17h, Place du Cycliste à São Paulo. La Coupe du monde de 2014 sera la coupe des violations et de la répression. Si certains disent #vaitercopa (la coupe aura lieu), nous affirmons #vaiterrepressão (il y aura de la répression).

Voici les dix motifs pour lesquels nous protestons contre la coupe :

1) 250 000 personnes ont été où seront expulsées de leurs logements au Brésil en raison des chantiers dédiés à la Coupe du monde et aux Jeux olympiques ;

2) La Coupe laissera des “éléphants blancs”. En effet, des œuvres hors de prix, gigantesques, mais sous-utilisées. Les stades millionnaires de Natal, Brasília, Cuiabá et Manaus devraient être uniquement remplis lors du méga événement qu’est le mondial de foot. Ensuite, vu la moyenne de public des championnats locaux, on devrait voir voler les mouches ;

3) A l’inverse de ce qui a été promis, une grande partie des fonds utilisés pour la construction où la restauration des stades provient des coffres publics : via le financement de la BNDES (banque publique d’investissement) où grâce aux apports financiers des gouvernements d’États (le Brésil étant une république fédérale) ;

4) Pour pouvoir recevoir la Coupe du monde, le Brésil a dû signer une clause qui l’engage à changer toutes les lois nécessaires afin d’être en adéquation avec les exigences de la FIFA. Ainsi, le pays a abandonné sa souveraineté pour servir une entité privée ;

5) De véritables zones d’exclusion seront créées pendant la Coupe du monde : la FIFA sera responsable d’une zone de jusqu’à 2 kilomètres de diamètre autour des stades et autres activités officielles du méga événement, où seuls les personnels autorisés pourront exercer des activités commerciales ;

6) Malgré les promesses qui affirmaient que la Coupe offrirait des opportunités de travail aux Brésilien-ne-s, vendeur-euse-s, marchand-e-s ambulant-e-s, petit-e-s commerçant-e-s et artistes de rue sont interdits de travailler dans les zones de la FIFA et de commercialiser des symboles nationaux reliés à l’événement. Tout ceci sera entre les mains de la FIFA et de ses entreprises partenaires, comme Coca Cola ;

7) La FIFA et ses entreprises partenaires auront une exemption fiscale totale de tous les impôts brésiliens, qu’il s’agisse de la sphère municipale, d’État où fédérale, privant ainsi les coffres publics brésiliens d’un milliard de réals (plus de 300 millions d’euros, selon les propres chiffres du gouvernement brésilien) ;

8) Pour recevoir la Coupe du monde, les gouvernements et clubs de foot ont été obligés de construire et réformer les stades afin qu’ils obéissent aux normes de qualité de la FIFA. Au premier regard, il s’agit de nouvelles positives mais en apparence seulement. En fait, il y a un effet collatéral tragique en action : l’élitisation des Jeux, qui, désormais, doivent être fréquentés à peine par des classes sociales élevées qui peuvent payer des entrées chères et acheter dans les magasins installés dans les stades ;

9) Au nom de la Coupe du monde, l’État brésilien a étendu son appareil répressif : en plus d’avoir dilapidé des milliards de reals en armement et nouveaux groupes policiers, ont été créées de nouvelles spécificités pénales pour encadrer les manifestant-e-s dans le code pénal ;

10) Le Ministère de la Défense a publié un document, intitulé « Garantie de la loi et de l’Ordre », document dans lequel les mouvements et organisations sociales sont classifiés comme des forces d’opposition, comme toute personne où organisation qui entrave les voies d’accès (même de forme pacifique), provoquant où instiguant des actions radicales et violentes. Contre eux/elles, le gouvernement autorise les Forces Armées à agir ;

[Traduction d’un article publié en portugais sur Indymedia-Brésil le 25 avril 2014.]

* Le Comité Populaire de la Coupe est une des entités qui s’opposent à l’organisation de la Coupe du Monde 2014 au Brésil. Né lors de l’organisation des Jeux Panaméricains.